Interviews – Livelihoods https://livelihoods.eu/fr/ Building resilient communities & ecosystems alongside sustainable businesses Wed, 23 Feb 2022 10:31:52 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.2.3 https://livelihoods.eu/wp-content/uploads/2017/04/cropped-BD-PICTO-LIVELIHOODS-32x32.png Interviews – Livelihoods https://livelihoods.eu/fr/ 32 32 Vers une chaîne de valeur de la vanille plus résiliente à Madagascar : Le point de vue de notre partenaire local, l’ONG Fanamby https://livelihoods.eu/fr/towards-a-resilient-vanilla-supply-chain-in-madagascar-the-floor-is-to-our-local-partner-ngo-fanamby/ Wed, 23 Feb 2022 10:22:31 +0000 https://livelihoods.eu/towards-a-resilient-vanilla-supply-chain-in-madagascar-the-floor-is-to-our-local-partner-ngo-fanamby/ Dans le nord-est de Madagascar, la transition vers une filière vanille qui associe gousses de qualité et amélioration des revenus des agriculteurs est en bonne voie. Le projet de Livelihoods lancé il y a 5 ans témoigne de résultats encourageants en matière d’amélioration des revenus des agriculteurs, de structuration d’une filière transparente et d’une meilleure implication des femmes et des jeunes dans le secteur. Le projet repose sur l’engagement d’une coalition d’acteurs publics et privés qui ont uni leurs forces pour transformer une industrie économiquement fragile. Le Fonds Livelihoods pour l’agriculture familiale (L3F) a réuni Danone, Mars (par l’intermédiaire de son fournisseur Prova), Firmenich, l’Agence française de développement (AFD) et l’ONG locale Fanamby, parmi d’autres ONG locales partenaires, pour embarquer 3 000 petits exploitants et leurs familles dans cette initiative de transformation sur 10 ans.

Quel est le point de vue de nos partenaires sur les réalisations du projet jusqu’à présent ? Quels sont les principaux enseignements, les défis rencontrés et les signaux positifs pour l’avenir ? Dans cette interview, la parole est à Serge Rajaobelina, fondateur de l’ONG Fanamby à Madagascar.

Livelihoods Venture : Notre projet commun est basé sur un partenariat opérationnel avec les Fonds Livelihoods et les entreprises privées. En tant qu’ONG, comment avez-vous vécu ce partenariat et quelles sont les leçons apprises jusqu’à présent ?

Serge Rajaobelina, Fondateur de l’ONG Fanamby

« Il est toujours complexe, pour une ONG telle que la nôtre, qui est guidée par des indicateurs de développement et d’environnement, de s’engager avec le secteur privé qui est orienté résultats et a des exigences de qualité des produits. Mettre en œuvre un projet ensemble est un processus d’apprentissage à long terme. Les agriculteurs ne peuvent pas répondre à un e-mail, une demande ou une exigence de qualité à la seconde. La transformation sur le terrain prend du temps. C’est un défi intéressant, car aujourd’hui, nous observons que le secteur privé est plus orienté vers le long terme qu’auparavant.

Les acteurs privés prennent des engagements à long terme et prennent le temps de mieux comprendre les contraintes et les besoins des agriculteurs. Ce partenariat a été très fructueux pour nous. Nous avons réussi à lier les attentes des deux parties prenantes dans une initiative commune qui apporte des bénéfices concrets aux agriculteurs.

Ensemble, nous avons mis en œuvre un projet de développement rural qui a permis de mieux relier les producteurs de vanille au marché. Nous avons travaillé étroitement avec les communautés rurales, les agriculteurs et leurs familles pour améliorer leurs conditions de vie, contribuer au développement du village et des municipalités, avec le soutien total du secteur privé. »

LV : 5 ans après le lancement du projet, quelles sont les principales réalisations et les défis rencontrés ?

« L’étude de perception sociale récemment menée montre des résultats très encourageants. Mais il a également été difficile de convaincre les agriculteurs de travailler avec le secteur privé. Les agriculteurs et les communautés rurales ont tendance à se concentrer sur le court terme, car ils doivent subvenir aux besoins de leurs familles dans un contexte de pauvreté complexe. Tous les agriculteurs ne sont pas sur le même rythme : certains comprendront rapidement l’approche de transformation à long terme, d’autres ont besoin de plus d’accompagnement.

En ce qui concerne la structuration de la chaîne d’approvisionnement, les activités ont démarré sans encombre. Auparavant, les communautés d’agriculteurs étaient très dépendantes des acheteurs intermédiaires et des collecteurs externes qui profitaient de la filière. Une situation à l’opposé de ce que nous voulions réussir. Les agriculteurs ont vu dans le projet une réelle opportunité d’accéder à un marché équitable et d’améliorer leurs revenus.

Sur le plan environnemental, il est important de garder à l’esprit que nous ne pouvons pas parler aux agriculteurs de préservation de la nature et de la biodiversité, alors que subvenir à leurs besoins vitaux est prioritaire pour eux. Là encore, il faut du temps pour sensibiliser les agriculteurs à la préservation des ressources naturelles. Mais dès qu’ils comprennent que leurs moyens de subsistance dépendent directement des écosystèmes naturels, il devient plus facile de discuter avec eux. Aujourd’hui, les communautés locales sont conscientes des impacts négatifs de la dégradation de l’environnement sur leurs parcelles et de la nécessité d’embarquer également les jeunes agriculteurs à ce sujet. »

LV : Au regard de la transformation en cours, quel est l’élément qui vous semble le plus prometteur pour l’avenir ?

« La jeune génération d’agriculteurs nous apporte beaucoup d’espoir pour l’avenir. Ils sont dans une toute nouvelle dynamique dans le secteur, ils sont ouverts d’esprit et plus tournés vers le monde extérieur. Ils s’engagent à contribuer à des exploitations agricoles productives et à des écosystèmes plus sains. Au niveau des exploitations, la diversification de la production pour aider les agriculteurs à moins dépendre des revenus de la vanille est également un signal positif. Le soutien à long terme des partenaires privés du projet, par le biais du Fonds Livelihoods pour l’Agriculture Familiale, nous aide à explorer d’autres sources de revenus que la vanille. C’est la clé pour contribuer à sortir les agriculteurs de la pauvreté.

Les résultats du projet à date montrent que nous sommes dans une véritable démarche de partenariat avec des perspectives économiques et environnementales encourageantes. Depuis le début, chez Fanamby, notre état d’esprit a été d’encourager les décisions et les actions venant des agriculteurs eux-mêmes. Nous voulions établir un réel dialogue avec eux, et ensemble les aider à améliorer leurs moyens de subsistance. Dans le cadre du projet Livelihoods, nous avons réussi à garder le même état d’esprit et à nous aligner sur les mêmes valeurs, qui sont le moteur de notre action sur le terrain au quotidien.« 


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Vers une chaîne de valeur de la vanille plus résiliente: LE POINT DE VUE DE NOS PARTENAIRES https://livelihoods.eu/fr/towards-a-resilient-vanilla-supply-chain-in-madagascar-the-floor-is-to-our-project-partners/ Wed, 23 Feb 2022 10:05:59 +0000 https://livelihoods.eu/towards-a-resilient-vanilla-supply-chain-in-madagascar-the-floor-is-to-our-project-partners/ Dans le nord-est de Madagascar, la transition vers une filière vanille qui associe gousses de qualité et amélioration des revenus des agriculteurs est en bonne voie. Le projet de Livelihoods lancé il y a 5 ans témoigne de résultats encourageants en matière d’amélioration des revenus des agriculteurs, de structuration d’une filière transparente et d’une meilleure implication des femmes et des jeunes dans le secteur. Le projet repose sur l’engagement d’une coalition d’acteurs publics et privés qui ont uni leurs forces pour transformer une industrie économiquement fragile. Le Fonds Livelihoods pour l’agriculture familiale (L3F) a réuni Danone, Mars (par l’intermédiaire de son fournisseur Prova), Firmenich, l’Agence française de développement (AFD) et l’ONG locale Fanamby, parmi d’autres ONG locales partenaires, pour embarquer 3 000 petits exploitants et leurs familles dans cette initiative de transformation sur 10 ans.

Quel est le point de vue de nos partenaires sur les réalisations du projet à ce jour ? Quels sont les principaux enseignements, les défis rencontrés et les signaux positifs pour l’avenir ? Dans cette interview, la parole est à Eric Nicolas, Directeur des Opérations chez Firmenich.

Livelihoods Venture : Firmenich est très impliqué dans ce projet de transformation depuis son lancement en 2015. Comment positionnez-vous cette initiative dans la stratégie d’approvisionnement de l’entreprise ?

« Notre principal défi commercial est de s’approvisionner en vanille de haute qualité et durable, pour répondre à une demande croissante de nos clients et à terme des consommateurs. Le projet Livelihoods fait partie de la stratégie d’approvisionnement de Firmenich qui vise à garantir un approvisionnement en vanille stable et à long terme : cela se traduit par notre engagement sur 10 ans à soutenir une large communauté de petits exploitants agricoles.

Avec le projet Livelihoods, nous sommes clairement dans une démarche de qualité et de durabilité. Nous avons ici un exemple parfait de chaîne d’approvisionnement résiliente et transparente, avec une grande valeur ajoutée pour toutes les parties prenantes. Le modèle du projet garantit un prix équitable pour les petits exploitants, plus de traçabilité et de transparence pour le consommateur final. Ceci est particulièrement important, car dans le cas des collecteurs de vanille à grande échelle, il est très complexe de s’assurer que les revenus générés reviennent directement aux agriculteurs et à leurs familles. Nous pourrions dire que le projet Livelihoods est un « havre de paix » dans une industrie très complexe et qui a souffert de la corruption. »

LV : 5 ans plus tard, quels sont les principaux objectifs atteints par Firmenich dans ce projet ?

« Nous travaillons activement pour contribuer à améliorer les conditions de vie de plus de 2 500 petits exploitants agricoles et leurs familles à ce jour, l’objectif étant d’atteindre 3 000 avant 2027. Le project leur apporte des compétences techniques et une formation aux pratiques agricoles durables. L’une des principales réalisations à ce jour, est la structuration d’une coopérative, appelée Tambatra, qui a été fondée et gérée par les agriculteurs eux-mêmes. Aujourd’hui, Tambatra regroupe 20 associations d’agriculteurs, ce qui leur a permis d’améliorer considérablement leurs conditions de travail.

Au total, nous avons réussi à améliorer les moyens de subsistance de plus de 10 000 personnes, des agriculteurs et agricultrices mais aussi des jeunes. Le projet a permis de proposer des formations aux jeunes agriculteurs et d’améliorer l’intégration des femmes dans la production de vanille et sur des fonctions plus stratégiques. L’ouverture d’une école agricole dans la zone du projet est une grande fierté collective et une victoire pour les jeunes générations. Sur le plan environnemental, nous avons réussi à adopter des pratiques agricoles plus durables qui incluent la santé des sols entre autres pratiques, pour coupler résilience de la culture de vanille et préservation d’un écosystème naturel unique. Le projet va également aider les agriculteurs à diversifier leurs cultures et leurs sources de revenus, comme la production de volaille, la production de riz ou de girofle ».

LV : Quelles ont été les principales difficultés rencontrées ?

« Il y a un sujet économique délicat, très spécifique au secteur de la vanille : les agriculteurs sont très dépendants des fluctuations du prix de la vanille. Lorsque les prix du marché sont élevés, ils sont motivés pour produire de la vanille. Mais lorsque ceux-ci baissent, ils sont tentés de cultiver d’autres produits. Diversifier la production et donc la source de revenus est nécessaire mais complexe. Les formations des agriculteurs et l’école agricole ont un rôle clé à jouer pour mieux les soutenir dans cette démarche de diversification.

Un autre défi est bien sûr la pauvreté rurale qui peut entraîner des ruptures d’approvisionnement en vanille de haute qualité. Parfois, lorsqu’ils manquent de liquidités, les agriculteurs sont poussés à récolter la vanille trop tôt, avant que les gousses n’atteignent leur maturité. Cela impacte la qualité de la vanille, conduit à une mauvaise récolte et à une baisse des revenus. Les agriculteurs sont par ailleurs fragilisés par le prix de la vanille qui a été très volatile ces dernières années, en raison d’une forte spéculation et de vols massifs dans leurs propres parcelles.

A Madagascar, la filière est également fragilisée à cause d’événements climatiques extrêmes tels que les cyclones (ex : le cyclone Enawo qui a touché l’île en 2017) qui peuvent fortement mettre en péril les cultures. Le paradoxe de Madagascar est que de nombreuses cultures peuvent prospérer grâce à des écosystèmes riches en biodiversité. Pourtant, les agriculteurs sont enfermés dans la pauvreté. »

LV : Quels sont les principaux enseignements du projet qui pourraient profiter aux initiatives de transformation des chaînes d’approvisionnement avec les communautés rurales dans d’autres géographies ?

« Voici une question complexe car chaque écosystème et chaque biomasse ont leurs propres caractéristiques. Mais par exemple, l’approche micro-ferme avec les petits exploitants, où nous nous concentrons sur la gestion de l’exploitation, la façon dont nous pouvons promouvoir la diversification et le revenu des agriculteurs est intéressante à reproduire. Nous avons réussi à produire de la vanille avec des compétences clé et un réel savoir-faire. L’approche est assez holistique, car le projet permet d’adopter des pratiques agricoles durables au bénéfice des écosystèmes naturels environnants avec une forte expertise agronomique. C’est une leçon clé que nous tirons et un modèle technique à reproduire dans d’autres régions.

Sur le plan social, nous avons réussi à embarquer et à impliquer les femmes dans la production de vanille et la gestion des organisations agricoles. Les femmes ont une vision durable et entrepreneuriale forte et une approche raisonnable de la gestion des ressources, qui ne peut que mieux répondre aux besoins des ménages.

La traçabilité est bien sûr un apprentissage clé. Dans les années à venir, cette traçabilité dans les chaînes d’approvisionnement sera encore plus importante pour mieux répondre à la demande des consommateurs, garantir un prix équitable et l’accès au marché à ceux qui travaillent dur sur le terrain : les agriculteurs ».


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INTERVIEW AVEC BERNARD GIRAUD sur le lancement du nouveau Fonds Carbone Livelhoods (LCF3) https://livelihoods.eu/fr/an-interview-with-bernard-giraud-launch-lcf3/ Wed, 30 Jun 2021 10:46:00 +0000 https://livelihoods.eu/an-interview-with-bernard-giraud-the-livelihoods-carbon-funds-address-climate-biodiversity-social-impact-simultaneously/ Bernard Giraud, Président Co-Fondateur des Fonds Livelihoods, nous fait part de son point de vue sur la création du nouveau fonds Livelihoods Carbon et de son expérience de 10 ans dans la mise en œuvre de solutions basées sur la nature avec les communautés rurales. Il explique quelles sont les voies à suivre pour relever les défis environnementaux, économiques et sociaux de notre époque.

Qu’est-ce qui motive le lancement d’un nouveau Fonds Livelihoods ?

Bernard Giraud October 2019
Bernard Giraud, Président & Co-Fondateur des Fonds Livelihoods

Bernard Giraud: « Tout simplement parce qu’il y a un besoin urgent : le changement climatique, l’effondrement de la biodiversité, des millions de communautés rurales pauvres qui luttent pour leur subsistance ou qui doivent migrer pour gagner décemment leur vie. Nous sommes collectivement responsables de la perte des derniers hectares de forêt primaire et de la dégradation d’immenses zones de terres mal exploitées. Les conséquences sont de plus en plus comprises et visibles. La mission des Fonds Livelihoods est de contribuer à une planète saine et vivable, de protéger ou de restaurer le capital naturel dont nous avons hérité. Et de concevoir et mettre en œuvre des solutions qui profitent à la fois aux personnes et à la nature pour les générations futures.  Ce nouveau fonds permettra d’accélérer le mouvement.

Nous observons également une transition significative dans le secteur privé et un fort intérêt de la part des entreprises mais aussi de certains investisseurs financiers pour participer à ce nouveau fonds Livelihoods. Le premier Fonds Carbone Livelihoods a été créé en 2011 après quelques années d’incubation et d’expérimentation sur le terrain au sein de Danone, une entreprise internationale de produits laitiers et de boissons. Dès le début, il a été conçu comme un fonds mutuel entre plusieurs entreprises. Nous avons commencé avec un petit groupe d’entreprises visionnaires qui ont compris très tôt que les entreprises auraient un rôle clé à jouer pour limiter les impacts du changement climatique et transformer en profondeur leurs chaînes de valeur fondamentales. Progressivement, beaucoup d’autres ont rejoint nos fonds. En 2017, un deuxième fonds carbone a été créé. Il sera entièrement investi à la fin de cette année. C’est pourquoi un troisième fonds est lancé maintenant pour poursuivre le voyage et augmenter l’impact des projets des fonds Livelihoods sur le terrain. »

Pourquoi choisir « Livelihoods » pour nommer un fonds carbone ? Quelle est la relation entre des moyens de subsistance et le carbone ?

B. Giraud: « Dans les projets du Fonds Livelihoods, les gens sont les principaux acteurs du changement. Un facteur clé de succès est de développer et de mettre en œuvre des solutions qui améliorent à la fois les moyens de subsistance des communautés et l’environnement. Les communautés rurales avec lesquelles nous travaillons dépendent directement des ressources naturelles dont elles vivent : par exemple, les bonnes pratiques agricoles qui restaurent ou maintiennent des sols sains avec des niveaux élevés de matière organique fournissent de bonnes récoltes et améliorent les revenus. Mais elles permettent également de séquestrer des quantités importantes de carbone, ce qui a un impact positif sur le climat. Des mangroves vivantes génèrent des stocks abondants de poissons et de palourdes qui profitent aux communautés côtières et elles stockent d’énormes volumes de carbone dans les arbres et dans le sol. À l’inverse, l’érosion des sols ou la déforestation libèrent du carbone, contribuent à aggraver le changement climatique mais aussi à accroître la pauvreté. Le modèle Livelihoods Funds repose sur une approche globale qui crée des synergies au lieu d’opposer les actions sociales et environnementales. »

Les Fonds carbone Livelihoods aident les entreprises à « compenser » une partie de leurs émissions de CO2. Mais certains critiquent la « compensation carbone » qui est décrite comme une sorte de « greenwashing ». Quelle est votre avis ?

B. Giraud: « Une priorité claire pour les entreprises est de réduire leurs émissions de CO2 au sein de leur chaîne de valeur. Il s’agit d’un processus de transformation profonde qui influe progressivement sur les modes de conception, de fabrication et de distribution des produits et services. Mais les entreprises ont besoin de temps pour changer fondamentalement leur modèle économique et atteindre des émissions de CO2 nulles. La compensation carbone est un complément, et non un substitut à la réduction.  Les entreprises qui investissent dans les fonds Livelihoods Carbon sont activement engagées dans la réduction du CO2 avec des objectifs clairs. Elles investissent des fonds propres dans un fonds de 24 ans, en prenant certains risques pour préfinancer des projets à grande échelle. En retour, le fonds Livelihoods leur fournit des crédits carbone pour compenser les émissions de CO2 qu’elles ne sont pas encore en mesure de réduire. Mais surtout, les investissements du Livelihoods Fund contribuent très concrètement à améliorer les terres et la vie des communautés rurales. Depuis sa création il y a 10 ans, plus de 1,5 million de personnes ont bénéficié des projets Livelihoods et plus de 130 millions d’arbres ont été plantés.  Au lieu de perdre du temps dans des polémiques sans fin, il serait plus utile d’encourager et de multiplier les solutions pour atténuer le changement climatique. »

Qu’est-ce qui différencie les fonds Livelihoods des autres acteurs de la finance carbone ?

B. Giraud: « Notre rôle est d’accompagner les partenaires commerciaux et les institutions publiques qui ont une stratégie à long terme de réduction des émissions de CO2. Contrairement aux négociants en carbone qui gagnent de l’argent à court terme en achetant et en vendant des crédits carbone, notre rôle est d’investir à long terme dans les communautés et de les aider à évoluer vers des moyens de subsistance plus durables. Chaque année, les fonds Livelihoods mesurent et certifient le carbone séquestré, mais ils délivrent des crédits carbone chargés d’une valeur sociale et écologique évidente à leurs investisseurs. Le carbone est un moyen, pas une fin. Dans un marché du carbone en plein essor, avec l’arrivée de nombreux acteurs et la croissance rapide des investissements financiers, il existe un besoin évident d’un ensemble de normes qui garantissent et différencient la haute qualité de ces crédits carbone. »

Est-ce que Livelihoods met directement en œuvre des projets sur le terrain ? Quelle est votre relation avec les organisations locales ?

B. Giraud: « Nous travaillons avec des organisations qui mettent en œuvre les projets sur le terrain. Ce sont des partenaires à long terme avec lesquels nous entretenons une relation solide. Notre approche consiste à sélectionner avec soin les ONG, coopératives ou entreprises partenaires avec lesquelles nous partageons des valeurs et des objectifs similaires. Les critères clés pour nous sont leur lien avec les communautés locales, la confiance qu’ils ont développée, leur capacité à favoriser le changement avec elles. Très souvent, il s’agit de petites organisations locales, mais qui ont le potentiel et la volonté d’étendre un modèle qui fonctionne sur le terrain. Notre approche consiste à co-concevoir le projet avec nos partenaires. L’équipe de Livelihoods Venture est composée de 30 agronomes, forestiers, experts en finance carbone, etc. qui partagent une passion commune pour le changement positif et ont une solide expérience du terrain. Il nous faut plusieurs mois, parfois plus d’un an, pour structurer un bon projet avant de décider d’investir. Une fois le projet lancé, nous restons aux côtés de nos partenaires, les surveillant et les soutenant lorsque des difficultés surviennent. Nous ne nous voyons pas seulement comme un investisseur qui fournit un financement ou un achat de carbone. Mais plutôt comme des partenaires de projet embarqués dans une mission commune. »

Dans « Ces mains qui réparent la terre », un livre que vous avez publié il y a quelques mois, vous racontez de nombreuses histoires sur des projets de subsistance en Afrique, en Asie ou en Amérique latine. De quoi êtes-vous le plus fier et quel regard portez-vous sur l’avenir ?  

B.Giraud: « L’action de Livelihoods est une goutte d’eau dans l’océan. Il faudrait 1 000, 10 000 Fonds Livelihoods et bien davantage. Mais elle témoigne qu’il est encore possible d’inverser le cours des choses. Lorsqu’un cyclone a frappé très durement les côtes du Bengale en Inde il y a quelques mois, les milliers d’hectares de mangroves que les communautés côtières ont restauré avec notre appui ont arrêté les énormes vagues. Les digues de terre ont tenu. L’eau salée n’a pas envahi les rizières comme autrefois. Je ressens une joie profonde lorsque je suis assis au milieu des pêcheurs qui me parlent de leurs prises de poissons qui se reproduisent dans ces mangroves. Ou parmi des petits fermiers africains qui ont réussi à  stopper l’érosion qui emporte la fertilité des collines qu’ils cultivent. C’est à la fois peu et beaucoup. C’est en tout cas un message d’espoir.”

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