{"id":18233,"date":"2023-11-27T11:16:33","date_gmt":"2023-11-27T11:16:33","guid":{"rendered":"https:\/\/livelihoods.eu\/?p=18233"},"modified":"2023-11-30T14:14:30","modified_gmt":"2023-11-30T14:14:30","slug":"carbon-finance-and-cop-28-the-art-of-killing-a-promising-climate-solution","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/livelihoods.eu\/fr\/carbon-finance-and-cop-28-the-art-of-killing-a-promising-climate-solution\/","title":{"rendered":"Finance carbone \u00e0 la COP28 :
DE L’ART DE TUER UNE SOLUTION CLIMAT PROMETTEUSE"},"content":{"rendered":"\n

Ou comment des critiques justifi\u00e9es peuvent aboutir \u00e0 l\u2019effet inverse de ce qu\u2019elles visaient<\/em><\/strong><\/em><\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Les m\u00e9canismes de contribution carbone sont l\u2019objet de critiques m\u00e9diatiques de plus en plus nombreuses[1]<\/em><\/strong>. Certaines sont justifi\u00e9es et peuvent contribuer \u00e0 une plus grande rigueur dans la conception, la mise en \u0153uvre et la v\u00e9rification des impacts de ces projets. Mais nous devons veiller \u00e0 ce que cela\u00a0n\u2019aboutisse pas \u00e0 l\u2019effet inverse\u00a0: rendre impossible l\u2019investissement dans des projets carbone qui ont non seulement des impacts sur le climat mais plus largement des impacts environnementaux et sociaux, en particulier les projets mis en \u0153uvre avec les populations les plus vuln\u00e9rables dans les pays en d\u00e9veloppement.\u00a0
Bernard Giraud, Co-fondateur et Pr\u00e9sident de Livelihoods Venture partage ses inqui\u00e9tudes et appelle \u00e0 une d\u00e9cision lors de la COP28.<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Les Fonds Livelihoods ont \u00e9t\u00e9 d\u00e9velopp\u00e9s pour r\u00e9pondre \u00e0 un double besoin : d\u2019un c\u00f4t\u00e9, le besoin des entreprises qui se sont fix\u00e9 des objectifs ambitieux pour r\u00e9duire l\u2019impact carbone dans leur cha\u00eene de valeur mais aussi contribuer positivement \u00e0 g\u00e9n\u00e9rer de l\u2019impact social et environnemental en finan\u00e7ant des projets au-del\u00e0 de leur p\u00e9rim\u00e8tre d\u2019activit\u00e9. D\u2019un autre c\u00f4t\u00e9, le besoin de soutenir des communaut\u00e9s rurales dont les conditions de vie d\u00e9pendent \u00e9troitement des \u00e9cosyst\u00e8mes et ressources naturelles.<\/p>\n\n\n\n

Depuis la cr\u00e9ation des Fonds Livelihoods en 2011, ce qu\u2019il est convenu d\u2019appeler les \u00ab solutions bas\u00e9es sur la nature \u00bb ont permis \u00e0 des centaines de milliers d\u2019agriculteurs et leurs familles de restaurer des \u00e9cosyst\u00e8mes d\u00e9grad\u00e9s, d\u2019\u00eatre form\u00e9s \u00e0 des pratiques agricoles \u00e0 la fois productives et durables, de r\u00e9g\u00e9n\u00e9rer des sols, de prot\u00e9ger des for\u00eats ou des ressources en eau. Ce faisant, elles ont permis de stocker des millions de tonnes de CO2 retir\u00e9es \u00e0 l\u2019atmosph\u00e8re ou \u00e0 r\u00e9duire des \u00e9missions carbone.<\/p>\n\n\n\n

Ce n\u2019est pas suffisant mais ce n\u2019est pas rien. Les experts du GIEC (le Groupe d\u2019Experts Intergouvernemental sur l\u2019\u00e9volution du Climat) et les n\u00e9gociateurs des COP (Conventions des Parties) Climat de l\u2019ONU ont d\u2019ailleurs continuellement insist\u00e9 sur l\u2019importance de prot\u00e9ger et r\u00e9g\u00e9n\u00e9rer les \u00ab puits de carbone \u00bb que sont les \u00e9cosyst\u00e8mes pour atteindre les objectifs de l\u2019Accord de Paris<\/a>.<\/p>\n\n\n\n

Tous les projets carbone ne se valent pas<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Ces projets sont-ils parfaits ? Les financements carbone sont-ils la solution \u00e0 tous les probl\u00e8mes ? Certainement pas. Plusieurs publications r\u00e9centes ont montr\u00e9 du doigt des projets carbone tr\u00e8s discutables. Certains projets dits de d\u00e9forestation \u00e9vit\u00e9e (REDD)[1]<\/a> n\u2019ont pas produit les impacts attendus. Certains acteurs des march\u00e9s du carbone motiv\u00e9s principalement par l\u2019int\u00e9r\u00eat financier ont mis en \u0153uvre des pratiques critiquables et dans plusieurs cas inadmissibles. Ces critiques sont utiles si elles permettent d\u2019assainir et de r\u00e9guler un march\u00e9 encore jeune et mal structur\u00e9.  Des initiatives r\u00e9centes telles que The Integrity Council for Voluntary Carbon Markets[2]<\/a> (ICVCM) peuvent  r\u00e9pondre au besoin de fournir un cadre bien plus robuste pour la production de cr\u00e9dits carbone et les projets qui les g\u00e9n\u00e8rent.<\/p>\n\n\n\n

Mais il faut raison garder. L\u2019image r\u00e9pandue par certains dans le public est que tous les projets de contribution carbone sont au mieux du \u00ab green-washing \u00bb au pire un moyen d\u2019extorquer de l\u2019argent \u00e0 des populations d\u00e9munies. Cette vision est tout aussi fausse que d\u2019affirmer que tous les conducteurs sont des chauffards ou tous les contribuables des fraudeurs parce qu\u2019une minorit\u00e9 ont des comportements condamnables. Il convient de s\u00e9parer le bon gain de l\u2019ivraie, et non pas de condamner en bloc un mod\u00e8le de financement qui peut \u00eatre vertueux.<\/p>\n\n\n\n

Tous les projets carbone ne se ressemblent pas en terme de finalit\u00e9s, de co\u00fbts et d\u2019impacts : financer la plantation d\u2019arbres en mono-esp\u00e8ce sur des milliers d\u2019hectares dans une concession foresti\u00e8re et aider plusieurs milliers de petits paysans \u00e0 d\u00e9ployer un mod\u00e8le d\u2019agroforesterie diversifi\u00e9 qui va permettre de r\u00e9duire l\u2019\u00e9rosion, restaurer la mati\u00e8re organique des sols et g\u00e9n\u00e9rer du revenu sont tous les deux des \u00ab puits de carbone \u00bb. Mais leurs impacts sociaux et \u00e9cologiques n\u2019ont rien \u00e0 voir, pas plus que leur complexit\u00e9 de mise en \u0153uvre.<\/p>\n\n\n\n

Les investissements carbone dans des projets \u00e0 impact devraient \u00eatre fortement encourag\u00e9s<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Les fonds Livelihoods pr\u00e9-financent des projets \u00e0 grande \u00e9chelle sur une dur\u00e9e de vingt ans. Ces projets sont co-con\u00e7us avec des partenaires locaux fortement ancr\u00e9s dans les r\u00e9alit\u00e9s locales, g\u00e9n\u00e9ralement des ONG, et mis en \u0153uvre par ces partenaires avec les communaut\u00e9s locales. Aucun de ces projets n\u2019a pour seul objectif de produire des cr\u00e9dits carbone. Tous visent \u00e0 g\u00e9n\u00e9rer des impacts durables \u00e9cologiques et sociaux. Les entreprises qui ont investi dans nos fonds prennent le risque de financer ces projets dans des contextes souvent difficiles, qu\u2019ils soient climatiques ou politiques. Ces risques sont r\u00e9els et se sont d\u00e9j\u00e0 mat\u00e9rialis\u00e9s :  s\u00e9cheresse, cyclone, guerre civile, etc. En retour, les investisseurs dans nos fonds re\u00e7oivent des cr\u00e9dits carbone \u00e0 leur co\u00fbt de production. La finance carbone telle que nous la pratiquons avec nos investisseurs n\u2019est pas une sp\u00e9culation financi\u00e8re sur de futurs prix de march\u00e9 carbone <\/p>\n\n\n\n

hypoth\u00e9tiques. Ce sont des investissements de long terme engag\u00e9s par des entreprises pour cr\u00e9er des \u00ab infrastructures vertes \u00bb qui contribuent \u00e0 am\u00e9liorer la vie de population pour la plupart tr\u00e8s pauvres.  <\/p>\n\n\n\n

Au lieu de rejeter en bloc les financements carbone, on devrait encourager les entreprises \u00e0 s\u2019engager davantage sur des projets \u00e0 haute valeur environnementale et sociale en cr\u00e9ant un cadre qui facilite et s\u00e9curise ces investissement.   <\/p>\n\n\n\n

Une bureaucratie qui monte en fl\u00e8che complexifie l\u2019action terrain<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Bien \u00e9videmment, on peut et on doit am\u00e9liorer les m\u00e9thodes et les techniques de mesure du carbone qui ont \u00e9t\u00e9 mises en place il y a quelques ann\u00e9es. Les connaissances scientifiques et les nouvelles technologies ont beaucoup progress\u00e9 et doivent \u00eatre mobilis\u00e9es pour gagner en pr\u00e9cision et r\u00e9duire les co\u00fbts. En r\u00e9action aux critiques dont ils sont l\u2019objet, les standards carbone ont entrepris de r\u00e9viser leurs principes et les m\u00e9thodologies de mesure et de certification des cr\u00e9dits carbone. Cette r\u00e9vision est n\u00e9cessaire mais elle doit imp\u00e9rativement prendre en compte les r\u00e9alit\u00e9s du terrain et les sp\u00e9cificit\u00e9s des projets mis en place avec les populations les plus vuln\u00e9rables. <\/p>\n\n\n\n

Or, nous sommes confront\u00e9s comme d\u2019autres fonds ou organisations qui d\u00e9ploient des solutions bas\u00e9es sur la nature \u00e0 une \u00e9volution qui nous inqui\u00e8te : une approche de plus en plus bureaucratique avec des normes \u00e9dict\u00e9es avec peu de concertation par de multiples \u00e9quipes n\u2019ayant pas ou peu d\u2019exp\u00e9rience concr\u00e8te des r\u00e9alit\u00e9s de ces projets. La complexification des r\u00e8gles et des proc\u00e9dures risque de rendre impossible l\u2019investissement dans des projets avec des milliers de petits producteurs qui sont d\u00e9j\u00e0 par nature complexes. La difficult\u00e9 de ces standards \u00e0 tenir des d\u00e9lais pour publier les nouvelles normes accroit l\u2019incertitude. Et certaines pratiques sont particuli\u00e8rement inacceptables comme par exemple le fait de changer la m\u00e9thodologie carbone pour des projets enregistr\u00e9s depuis plusieurs ann\u00e9es sous ces m\u00eames standards. Comme si on changeait les r\u00e8gles du football au milieu du match.<\/p>\n\n\n\n

Les r\u00e9glementations carbone devraient tenir compte des r\u00e9alit\u00e9s du terrain<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Ces \u00e9volutions ont pour effet non seulement de complexifier les projets mais aussi d\u2019accroitre fortement les co\u00fbts et la part \u00ab non productive \u00bb des budgets. Par l\u00e0 nous entendons toutes les d\u00e9penses qui vont aux consultants, v\u00e9rificateurs et auditeurs ainsi qu\u2019aux co\u00fbts d\u2019enregistrement et non aux petits producteurs et aux communaut\u00e9s. Les budgets consacr\u00e9s \u00e0 la mesure et \u00e0 la certification sont d\u00e9j\u00e0 tr\u00e8s cons\u00e9quents. Il est important de conserver un ratio acceptable entre la part de l\u2019investissement qui finance le projet lui-m\u00eame et celle qui finance les actions de mesure et de certification. Il est \u00e9galement important de mettre le curseur de l\u2019exigence au bon niveau en fonction de la r\u00e9alit\u00e9 du terrain de chaque cat\u00e9gorie de projet. Par exemple, dans sa derni\u00e8re version, le Standard Verra requiert des p\u00e9riodes d\u2019engagement des acteurs sur les r\u00e9sultats des projets de 40 ans. Cette exigence peut \u00eatre satisfaite dans le cas de projets de plantations industrielles \u00e0 grande \u00e9chelle dans des concessions. Mais comment exiger le m\u00eame engagement de petits agriculteurs dont une dur\u00e9e de 40 ans s\u2019\u00e9tale sur jusqu\u2019\u00e0 trois g\u00e9n\u00e9rations ? Comment demander aux petits-enfants de l\u2019agriculteur avec lequel le projet a \u00e9t\u00e9 lanc\u00e9 de respecter, sous peine de sanction, les engagements pris par leurs grands-parents dans un monde qui n\u2019\u00e9tait pas le m\u00eame ? Chez Livelihoods, nous pensons que l\u2019essentiel des financements carbone doit aller aux actions sur le terrain et qu\u2019un \u00e9quilibre doit \u00eatre trouv\u00e9 pour que les processus de certification et les co\u00fbts permettent de continuer \u00e0 financer des projets qui contribuent r\u00e9ellement \u00e0 la transformation. Si ce n\u2019est pas le cas, il nous faudra trouver collectivement d\u2019autres moyens de certifier nos projets.  <\/p>\n\n\n\n

Il est urgent d’\u00e9tablir des r\u00e8gles claires au niveau national<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Un autre \u00e9l\u00e9ment d\u2019incertitude pour les investisseurs priv\u00e9s de long terme de fonds carbone tels que les Fonds Livelihoods est la difficult\u00e9 \u00e0 obtenir des r\u00e8gles claires de la part des Etats concernant les droits carbone. En application des Accords de Paris et notamment l\u2019article 6, chaque \u00c9tat est tenu d\u2019\u00e9dicter la r\u00e9glementation s\u2019appliquant aux projets carbone : quels projets sont accept\u00e9s dans quelles activit\u00e9s et sur quelles parties du territoire ? Ces projets sont-ils comptabilis\u00e9s dans les Contributions D\u00e9termin\u00e9es au niveau National (NDC)[5]<\/em> du pays ? Quelles r\u00e8gles s\u2019appliquent si les cr\u00e9dits carbones sont transf\u00e9r\u00e9s \u00e0 d\u2019autres pays ? Quelques pays ont publi\u00e9 leur r\u00e9glementation. Mais dans la plupart, ces r\u00e8gles ne sont toujours pas publi\u00e9es.<\/p>\n\n\n\n

Gardant cela \u00e0 l’esprit, la COP28 commence \u00e0 Duba\u00ef, et il nous semble important que l’organe de surveillance en vertu de l’article 6.4 propose des mesures concr\u00e8tes et des lignes directrices pour avancer sur le sujet. Ils se sont d\u00e9j\u00e0 r\u00e9unis \u00e0 plusieurs reprises cette ann\u00e9e, mais aucun cadre juridique n’a \u00e9t\u00e9 adopt\u00e9. Par cons\u00e9quent, de grands espoirs ont \u00e9t\u00e9 plac\u00e9s dans l’examen des politiques au cours de la COP28, qui pourraient fournir une plate-forme pour les march\u00e9s mondiaux du carbone et faciliter la compr\u00e9hension des syst\u00e8mes d’\u00e9change de quotas d’\u00e9mission.<\/p>\n\n\n\n

L’appel de Livelihoods \u00e0 la COP28<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Au sein de la COP28, il nous semble important que diff\u00e9rentes parties se r\u00e9unissent pour aux appeler acteurs priv\u00e9s et publics \u00e0 agir et \u00e0 \u00e9changer des informations sur le march\u00e9 du carbone et aussi sur des politiques durables.  En outre, la conf\u00e9rence servira de moteur \u00e0 l’adoption de mesures concr\u00e8tes tels que  :<\/p>\n\n\n\n